mardi 1 février 2011

Les maux des mots, ou l'inverse....



Ce qui change, ce qui prend du sens….


A ce stade de l’histoire, l’intrigue est précise, les personnages ancrés, vous devez percevoir le sens du récit, même si tout comme moi, vous ignorez totalement où il va nous mener.


Je refusais d’emblée, l’idée de tout changement, je ne voulais pas sortir changée de tout ça, je voulais juste en sortir, intacte si possible. Prétentieuse, comme toujours.
Cette phrase si souvent entendue « tu verras, après tout te semblera différent », je ne voulais que l’après, je ne voulais pas que cet envahisseur me soit profitable. Et puis quoi encore ?

Cependant, très rapidement, certains mots se firent précis le changement était en route…..

Le nouveau sens des mots.

Le mot ami, amie ou amis.

Encore mieux qu’un test Cosmo qui dirait «avez-vous bien choisi vos amis ? ».
Je vous assure qu’il n’y a pas mieux que la phrase, j’ai un cancer, pour rapidement évaluer l’attachement de vos amis. Essayez si vous doutez d’un ami, essayez, la phrase, pas le cancer, inutile d’aller si loin, vous verrez.
Je fus très rapidement fière. Je savais choisir mes amis.
Mais je ne pense pas qu’en la matière il s’agisse de choix, comme à l’école lorsqu’on demande si tu veux bien être ma copine. Dans la vie des grands, ça ne se passe pas ainsi, imaginez si on allait voir un ou une inconnue, en lui demandant si il veut bien être notre ami ? Ce serait ridicule n’est ce pas ?

Mes amis, c’est un peu l’inverse de mon placard à chaussures. J’en ai peu, mais de belle qualité.
Parce que les chaussures, j’en veux plein, de différentes couleurs, de saisons, à la mode et je n’ai pas les moyens d’en avoir de qualité… mais les amis….
L’amitié c’est avant tout une histoire de sentiments, une histoire d’amour,  même si cette phrase est teintée de la mièvrerie qui est si loin de moi.
Je reste donc très fière de ne pas avoir raté mes histoires d’amours amis, fière de ne pas m’être trompée dans mes choix, fière de la qualité de ceux qui tiennent à moi.
Et en plus j’ai réussi à m’en faire d’autres malgré le cancer, petite danse de frimeuse, il y avait longtemps que je ne vous l’avais pas faite.
Amis, mot validé.


La peur.
Jusqu’alors, j’avais de nombreuses peurs, des angoisses, des phobies. Je n’aimais pas l’avouer mais j’étais un peu trouillarde. En vrac, le vertige,  les araignées, le manque, de temps, d’argent, l’échec, professionnel, amoureux, éducatif, toutes sortes de peur.
C’est un des mots qui a le mieux pris son sens. La peur, l’effroi, la terreur, la panique.
Inutile de m’étendre sur ce sujet, la peur s’est affalée sur moi, m’a pris mes nuits, mes rires, mes mots.
J’ai appris à vivre avec elle, je commence même à lui trouver des avantages. 
Avec La Peur, se sont évanouies toutes les petites frousses, celles qui parasitent inutilement. Grâce à elle, dès qu’une angoisse surgit, je me dis que j’ai La Peur, que peut-il y avoir de pire ?  C’est pratique, ça allège, je suis une veinarde, je ne cesserai de vous le répéter.
Précision, ma technique n’est pas très au point avec les araignées, j’ai beau brailler « j’ai un cancer saleté » aux rares mygales qui croisent mon chemin, j’ai un peu peur quand même.
Peur, mot validé.


La force et le courage.
Ces deux là je les mets ensemble, il semblerait que l’un avec l’autre se soit plus pratique.
Force, je pensais connaître. Depuis toujours j’ai entendu dire que j’étais forte. Attention pas comme on dit : c’est une fille forte pour hypocritement dire : elle est grosse, non forte comme pas facile de caractère et pas besoin de s’occuper d’elle ça se voit qu’elle n’est pas fragile.
L’aparté qui manquait jusqu’ici.
Un jour j’écrirai sur les filles fragiles, sur ce mystère des filles fragiles, ce sera un peu cynique, peut être dicté par une jalousie teintée de mépris, mais gentiment, parce qu’elles sont très agaçantes mais pas méchantes, manquerait plus que ça.
Forte donc.
J’ai appris ce qu’est la force. Pour une fille, certes tonique dans la vie quotidienne, mais qui déteste le sport, je suis super forte. Physiquement, et cela n’a rien à voir avec mon caractère comme « on » m’a dit.
Je n’aime pas le sport, ça sent mauvais, c’est fatigant, je n’ai jamais eu besoin de maigrir (à nouveau la petite danse de frimeuse), courir après rien m’essouffle, et mes restes de danseuse me suffisaient.
Mais ce que j’ai fait, avec le cancer, physiquement, me place sur un podium, d’office. Pas besoin de vous expliquer, croyez moi sur parole, je suis une championne.

Le courage, en revanche, je l’avais découvert en littérature, dans quelques biographies, mais je ne l’avais pas expérimenté. Ce que certains, à entendre le récit de ma vie commentaient comme étant du courage n’était qu’une forme d’insouciance immature qui m’avait fait prendre des décisions, des chemins sans en mesurer les contours, en me disant simplement pourquoi pas ?

Il y a encore quelques semaines, je me mettais très en colère à entendre dire que j’étais courageuse et forte. Maintenant un peu moins.
Je reste convaincue que je ne suis qu’une lâche qui s’accommode comme elle peut de ce qui lui arrive, je n’ai pas d’autre choix, je suis une faible contrariée, une couarde déguisée.
Milan Kundera a dit qu’être courageux dans l'isolement, sans témoins, sans l'assentiment des autres, face à face avec soi-même, cela requiert une grande fierté et beaucoup de force. Disons que j’ai ma fierté.
 Force et courage, validés.

Solitude.
Encore un que je croyais maîtriser. Un qui ne m’a jamais effrayée, je suis parfois misanthrope, souvent exigeante, je préfère personne à quelqu’un qui vient combler un vide Ce principe, je suis une fille à principes, s’applique aux amours, amitiés, relations, occupations. Etre seule ne m’a jamais dérangée.
Je demande par avance à mes amis, à ceux qui m’aiment de me pardonner, qu’ils comprennent bien ce que j’écris, la solitude, la vraie, je la connais maintenant. Le face à face avec soi même dont parle Milan, la solitude c’est ça.
Solitude, validé.


Vanité.
Un grand mot pour la petite vanité qui était mienne.
Les filles vont me comprendre et les garçons en apprendre peut être. Nous les filles, avons toutes un truc dont nous sommes fières. Quelque chose dans notre physique qui nous plait au moins un peu. Le truc que l’on met en valeur.
Moi, je l’avoue, alors que jamais on ne m’a fait un compliment dessus bien que je ne manquais jamais une occasion d’en dévoiler une, de rouler l’autre, bien que l’une comme l’autre soit parfaitement hydratées, satinées, je l’avoue, j’avais un faible pour mes épaules. Cela ne s’explique pas, ça s’avoue à peine, mais au point d’impudeur auquel je me trouve, vous n’avez plus de doute sur mon état mental, je suis un peu folle.
Aujourd’hui je suis très fière, je le répète fréquemment, je le clame haut et fort, je suis très fière de mes globules. Parce que une formulation sanguine aussi parfaite, après des mois de traitements, c’est tout simplement remarquable.
Mes épaules restent mignonnes mais mes globules sont oscarisables. Certes séduire avec ses globules est plus délicat, mais séduction est un mot qui a perdu un peu de sens.
Vanité, validé.


Colère a été validé et renforcé par rage de peste.
Maquillage, cosmétologie, robes, talons et colifichets ont été validés, ils manquaient dans mon tiroir futilité et plaisirs, ils sont indispensables à dignité.
Compassion a été écarté, pitié balayé, d’un revers d’épaule délicate.  
J’ai appris des verbes compliqués, demander, trembler, vaciller, maigrir, mais d’autres que je maitrisais, espérer, croire, vouloir m’ont aidée à les valider.

Je refusais l’idée de changement, en réalité je ne change pas. Je renforce ce que je suis, j’affine ce en quoi je crois, je précise les sens des mots.

La vie, a pris un autre sens, plus intense, je suis plus vivante.
C’est ironique, mais réel, ma vie est devenue plus vivante avec ses maux qui la caractérisent et ces mots qui la décrivent.

La vie, validé.


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