jeudi 13 janvier 2011

La sécu m'a tuer

Je me répète très souvent, la chance qui est la mienne, d’être dans un pays où existe cette merveilleuse institution qui permet l’accès aux soins, aux remboursements, oui je me répète souvent qu’ailleurs ce serait bien pire.
A travers deux petites histoires, je vais vous donner quelques conseils pour communiquer avec la caisse primaire d’assurance maladie de votre département.




Autrefois, comme dans les contes de fées, j’étais comme vous, détentrice d’une carte verte, dite vitale. J’envoyais de rares feuilles de remboursements, liées au rhume d’un des deux jumeaux ou à ma visite contrôle technique gynécologique, me souciant à peine du dit remboursement, mon chargé de clientèle pouvant témoigner du peu d’aptitude dont je fais preuve pour suivre mes comptes, mon compte à vrai dire.

Carte vitale, c’est lorsqu’une pathologie réelle surgit que le mot vitale prend tout son sens. Là, pour le coup, le brieff a été bien fait, quand des communicants se sont réunis pour trouver un nom à cette carte, ils ne se sont pas trompés. Vitale. Ne la perds pas. Elle est bien plus utile que la carte bleue, qui est parfois dorée, que le carte Séphora qui est noire, la Marionnaud qui est blanche. Vitale, tu la perds ou pire encore, la puce est désactivée et là c’est toi qui devient toute verte, crois moi.
Donc pathologie grave, ouverture de ce qui s’appelle ALD. A nouveau joli job des communicants, affection longue durée, pour le cas où tu croirais que ton cancer allait passer en 6 mois. Lorsque j’ai reçu ma notification ALD, elle était valable jusqu’en 2018. Etant optimiste, j’ai préféré penser que je serai à leur avis donc, encore présente en 2018, les pensant spécialistes en maladies graves, ça m’a rassurée.

Ouverture des droits de remboursement à 100%, en résumé tout ce qui concerne la dite pathologie n’est pas payant. Un peu comme un passe VIP, ta carte vitale c’est l’accès gratuit aux examens les plus chers de notre pays civilisé, les scanners, IRM, scintigraphies, histologie, biopsie, consultations de spécialistes à l’air grave et préoccupé et autres examens à plus de 500 euros.
Le principe est simple, diagnostic, hop déclaration c’est grave, hop on prévient la cpam, ALD.
Sauf que le diagnostic est établi après la cohorte sus citée, pas grave dit la cpam, le remboursement est rétroactif. Comme c’est bien fait dis donc !

Il est vrai qu’à ce moment là, c’est rassurant de se dire qu’on n’aura pas en plus de soucis administratifs, c’est à ce moment là cependant que parmi tes meilleurs amis apparait : la photocopieuse. Le principe, rien ne part plus vers la cpam sans garder chez soi une photocopie. J’ai compté, j’aurais du en acheter une, le retour sur investissement aurait été intéressant.
Envoi de la déclaration d’ALD en février 2008, ci-dessous, copie du courrier envoyé en juillet de la même année, après moult échanges de courriers, appels et tentatives….


« Madame, Monsieur, le technicien chargé de mon dossier.

Pour suivre votre troisième courrier en référence à ma réclamation du 11 juillet dernier, vous trouverez ci joint un deuxième jeu de photocopies des relevés correspondants à ma réclamation.
Par chance ma sixième séance de chimiothérapie me laisse un peu de répit et mon troisième passage au bloc opératoire en quatre mois,  ce dernier vendredi, n’a pas été suivi de trop d’effets. J’ai ainsi pu, pour la deuxième fois en trois semaines, relancer l’impression des relevés. Il est vrai que de travailler, d’élever seule mes enfants et de suivre un traitement contre le cancer, me laisse tout le loisir de vous adresser des courriers à l’identique.
Je tiens à ce que vous sachiez qu’un autre jeu de photocopies est prêt à vous parvenir dans le cas où à nouveau, cet envoi vous semblerait incomplet.
J’ai également noté, comme il me l’a  été très aimablement et de façon si compatissante, vivement conseillé, de ne plus déranger vos services au téléphone pour suivre ma demande. En effet, il m’a été annoncé, j’insiste sur la chaleur humaine de cette personne, ho combien réconfortante dans les moments pénibles que je traverse, qu’appeler régulièrement ne servait à rien, que ce dossier serait probablement traité en octobre. Je suis très heureuse de savoir qu’il y a à la sécurité sociale, des personnes assez fortes moralement pour envoyer se faire voir de la sorte des malades en mal de remboursement. Savoir que la proximité de la maladie, si bénigne soit elle je vous le concède, ne rende pas plus humain, est la preuve qu’il est possible d’exercer de façon mécanique un métier tourné en principe vers l’humain.
Heureusement il doit y avoir parmi les cas de cancers, des personnes moins énergiques que moi, plus affaiblies physiquement et moralement qui, elles, ne dérangent pas. Il y a peut être même des malades qui n’ont pas la maîtrise de notre jolie langue et qui restent décontenancés par vos courriers. D’autres meurent de leur pathologie.
Je me permets donc de vous demander de transmettre mes plates excuses à toutes ces personnes que mes appels ont dérangées, alors que je tentais d’expliquer qu’après avoir attendu 4 mois ma prise en charge à 100%, le remboursement rétro actif devenait important pour moi. Non que j’aie des principes sur la valeur d’une promesse, je suis bassement matérialiste, mon banquier peut si vous le souhaiter témoigner de l’interdiction qui me guette.

Vous souhaitant bonne réception de ces éléments et ne doutant pas que ce courrier me fera passer une énième fois pour une emmerdeuse au mieux, une hystérique au pire auprès des techniciens en charge de mon dossier, je vous souhaite de rester en bonne santé, de ne pas manquer d’argent et de bonnes vacances si vous en prenez. »


Voilà exactement le genre de courrier que vous ne devez pas envoyer. En premier lieu parce qu’il n’eut aucun effet, mon ALD est bien arrivée en octobre, et jamais je ne fus remboursée de façon rétro active. Par contre l’interdit bancaire, lui est bien arrivé. Les établissements bancaires sont plus réactifs que les techniciens en charge de mon dossier à la cpam.
Parce que oui, j’ai bien craqué, j’ai renoncé, cessé les photocopies, envoi en recommandé, j’ai baissé les bras face au combat, je ne suis qu’une lâche…


Ceci était le premier exemple.

Le deuxième, où comment vous verrez comme je sais m’adapter et combien je suis devenue spécialiste en communication avec les techniciens conseils en charge de mon dossier.

Le principe, j’ai mon ALD, (petite danse de frimeuse), et depuis septembre dernier je travaille à mi temps thérapeutique.
En clair, je ne travaille que la moitié du temps prévu par mon contrat de travail, le médecin du travail (un jour promis je vous en parlerai, un poème) est d’accord avec mon oncologue, la moitié c’est bien assez puisque je refuse de m’arrêter complètement. Il faut savoir que j’aime mon métier, que j’aime travailler et que m’empêcher de le faire c’est me punir, j’ai tout de même dû insister un peu pour qu’on me laisse faire, c’est passé.Ouf, je coûterai donc moins cher à l'éta, après tout.
Septembre donc, mon employeur se faisant rembourser la demie part de mon salaire directement par la cpam. C’est bien fait dis donc ! Merci mon pass VIP !

Hé ben non….
Mon employeur me paye mais la cpam ne le rembourse pas. Il est vrai que la profession médicale de Sage Femme, diplômée d’état après 5 ans d’études, avec les responsabilités de quelques vies humaines est si rémunératrice que les sommes engagées sont indécentes.
Un autre article vous expliquera ce qu’est une vocation, ou comment passer des nuits blanches à se faire recouvrir de liquides humains de diverses origines pendant que le gynécologue dort, ainsi que le pédiatre, et qu’au mieux tout se passe bien, au pire vous êtes satisfaite de savoir dans le désordre intuber, suturer, dégager, manœuvrer, pour moins de 25OO euros par mois.

Après quatre jours de tentatives d’appels à la cpam de mon département, quatre jours de :
« votre attente est estimée à 18 minutes » mensongère.
« nos services sont indisponibles » vrai
« nous allons traiter votre appel » quand ?

J’obtiens en ligne une vraie personne, après les touches étoiles, 75, 2, 1 re étoile et 7 minutes d’attente annoncées qui en furent 13 en réalité.
Ci-dessous résumé de notre conversation.

Bonjour Madame, excusez moi de vous déranger, je vous souhaite une belle année, je vous explique mon problème.
Là j’explique.
Je donne mon numéro de sécu, trop facile, je le connais pas cœur pensez bien.
Petit ait gêné de la personne de l’autre côté du téléphone. Petit toussotement, temps de latence.
Réponse : Madame Le Guilloux, nous n’avons plus de trace de vous depuis votre hospitalisation de février 2010.
Moi, surprise, je n’ai pas été hospitalisée !
Si si dit la voix.
Moi, idiote, mais non j’étais à la clinique, pour des accouchements. Idiote !
Ce fut long de lui expliquer que ce n’étaient pas mes accouchements mais des accouchements que je pratiquais. La voix fut rassurée de savoir qu’en plus de mon ALD, je ne rajoutais pas les grossesses au cancer.
Mais la voix était  toujours gênée.
Et là je comprends !
Pour le technicien conseil en charge de mon dossier à la cpam de mon département, n’ayant plus de traces de moi depuis une hospitalisation en février, c’est donc…. C’est donc que je suis décédée. Logique imparable de l’administration qui lui fait répondre à mon employeur, ignorant mon décès administratif, le crétin, que les remboursements de mon salaire ne pouvaient avoir lieu.
C’est normal.
Forte de mes expériences passées, de mon Master en communication cpam, je reste calme, et déclare à la voix que non je ne suis pas décédée, que je lui téléphone de mon salon, avant une garde chez mon vrai employeur demain, et que promis malgré Darty (pas pu m’en empêcher) (cf articles précédent) je ne suis pas en direct de l’au-delà.
Voix rassurée, mais problème toujours présent.
Je passe le moment où je commis quelques graves erreurs de débutant, citant Oncologue, « un quoi ?? » pardon Madame, un cancérologue et demandant alors qui s’attribuait  le bénéfice de mes chimiothérapie, et si là n’était pas la raison de ma non guérison ? Je me rattrapais bien vite en m’excusant.

Il m’est donc demander d’expliquer tout ça par courrier, mon non décès (j’écris donc je suis), ma non hospitalisation (déclaration sur l’honneur), copie des avis de mi temps thérapeutiques (quatrième jeu de copie que me fait la secrétaire de mon oncologue), le tout en recommandé.

J’ai tout bien écrit, tout bien photocopié, et je ne manquerai pas de vous faire savoir combien de temps il faudra à la cpam pour comprendre que je suis comme la puce de ma carte vitale, active.

En résumé donc :
Je pense très sérieusement que les techniciens (bla ba bla) ont des consignes pour faire traîner les choses et tenter de combler un peu de la sorte le déficit légendaire de ladite institution.
Je sais que la sécu sous traite à des plateformes téléphoniques moins chères les appels, moins de fonctionnaires, économies de l’état.
J’ai compris que lorsqu’on est malade, il ne faut surtout pas être teigneux, mordant, ironique, il faut apprendre à valoriser le technicien en étant obséquieux, larmoyant, et si possible reconnaissant face à son incompétence et à son peu d’implication.


A Marrakech, ville dans laquelle j’ai tant aimé résider, il existe le noble métier d’écrivain public. Je suis à votre disposition pour tout besoin de correspondance administrative, j’ai trois ans d’expériences, des résultats à l’appui et un peu de temps libre…
Dernière chose, méfiez vous mères de famille, la caisse d’allocations familiales ne m’a pas tuée, elle, mais un technicien (bla bla bla) m’a déclaré les yeux dans les yeux que si je ne percevais plus d’allocations c’est que j’avais déménagé, là il me donna ma nouvelle adresse, et ne fut même pas surpris d’apprendre que ben non, je n’avais pas déménagé.

Oui, vraiment nous avons de la chance de vivre dans un pays où l'accès aux soins est si facile, il faut se le répéter.

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