jeudi 13 janvier 2011

Madame du Figaro

Que diriez-vous d’un petit « ça m’énerve » supplémentaire ?

Ho bien sur pas une révolte engagée, une critique sociale acerbe, un coup de gueule ravageur, je laisse cela aux actrices que je veux bien croire sincères ou aux chanteuses qui construisent des hôtels rue de la Paix mais me semblent moins convaincantes.
Non, non, un petit « ça m’énerve », juste pour me faire du bien.

Certains, certaines vont toutefois s’étonner du sujet de cet agacement, récent mais persistant.
Pour ceux et celles qui l’ignorent encore, il est en totale contradiction avec une de mes plus vieilles et tenaces addiction. Mais….. Fallait bien que ça arrive….tant va la cruche à l’eau, qu’à la fin, elle pique une crise.






Distribution des rôles donc.
La cruche : moi-même. 20 années de cruchonne, régulière, sans faille, accrochée à l’eau comme je sais m’accrocher, cramponnée.
L’eau : les magazines féminins.
Et la niche se demandent ceux qui me suivent, elle arrive, elle arrive je vous le promets.

Oui, 20 ans à lire la presse féminine. Marie Claire, Cosmo, Biba et Glamour. Mes co addicts se diront que pour certains titres c’est impossible, bien sur, disons que j’ai enrichi au fil des années ma consommation.
Jamais dupe, toujours lucide, mais rien n’y fait, je ne peux résister à chaque nouvelle parution.


Au passage avez-vous remarqué que la date de sortie est de plus en plus avancée dans le mois précédent ? Non ?

Nous, les filles accro à la presse féminine, nous retrouvons à faire l’essai du maillot parfait en avril, le test de notre quotient sexuel en mai, en juin nous savons si l’amour de notre été survivra à la rentrée, en juillet nous prenons les résolutions d’automne, en septembre nous faisons le régime détox avant les fêtes, en octobre des achats de Noël, en novembre nous savons tout de notre horoscope de l’année suivante.

C’est une vraie perte de repère, il faut avoir de la mémoire, de l’organisation et des fiches avec rappel sur agenda (il existe sans nul doute une application Iphone pour ça) pour ne pas débarquer grosse sur la plage dans un maillot de l’année dernière, résolue à exploiter un capital sexuel mésestimé, les bras chargés des cadeaux « que c’est trop ça la tendance du moment » et certaine de rencontrer un lion.

Mais on s’organise, on tient bon, hein les filles ?

La presse féminine donc, qui nous fait passer, nous prend un peu aussi pour des connes, mais pas que.
Cette presse à laquelle je ne peux résister, craignant de rater la sortie de la crème miraculeuse anti tout, le retour des poix et de la rayure marine (période très courte de chaque année où ces deux imprimés sont de sortie, tous les ans, oui oui), le témoignage de la star, voir ma référence à la papesse du genre Monica dans un de mes articles précédents, ou le fameux menu de Saint Valentin, parce que fort heureusement on a la fiche « cette fois ci je rencontre un mec bien ».

Bien sur jamais je ne lis les critiques littéraires, les pages pratiques.
Toujours je peste contre ces mannequins pré pubères anorexiques, entortillées sans signe extérieur de souffrance autour d’un cactus mexicain dans le désert du pays du même nom, pour présenter une paire de chaussures importables mais à porter quand même, avec le « must have » sarouel moutarde.

Bien sur, mais un peu de futilité, de parce que je le vaux bien, et de frange ou pas frange, dans ce monde de brutes fait du bien non ? A moi oui en tous cas, jusqu’à ce que je croise la niche…


Ho cancer, tes  effets secondaires et  tes dommages collatéraux Ho toi cancer comme je te déteste alors.

Alors évidemment, les patientes de Villejuif n’ont pas ce grave problème, celles de province non plus d’ailleurs qui font parfois une centaine de kilomètres pour se rendre à une séance, mais moi je suis suivie à Neuilly, sur Seine, parce que Neuilly en Thelle existe aussi mais dans un tout autre genre.

C’est un hasard, mais je n’ai aucun doute là-dessus, je suis bien suivie à Neuilly.

La maladie, source de tant d’enseignements, m’a appris le sens précis d’un mot.
Le corps médical ne nous appelle pas des malades, des cancéreux, des condamnés à mort, des « greveurs » de déficit de sécurité sociale, le terme exact est : patient.

Parce que patient il faut l’être. Des heures en salle d’attente, des heures de traitements, des heures sur différentes chaises, plus ou moins collée à d’autres patients, mais des heures surtout.

Alors un jour, lasse de patienter, dans une salle d’attente Neuilléenne, j’ai tendu la main à Madame Figaro.


La toute première rencontre est inoffensive, comme la découverte d’un autre monde, c’est exotique.

Mais au rythme d’un rendez vous par semaine, pendant un an, avec ce seul magazine disponible, croyez moi on se forge une opinion honnête et éprouvée.

Madame Figaro, tu m’énerves.
On devrait dire Madame du Figaro, déjà pour commencer.

Ensuite, sachez que tous mes commentaires sont dénués de connotation politique, et que j’ai un amour profond pour Jean d’Ormesson.
Mais Madame du Figaro, tu m’énerves.



Quand tu nous fais la shopping liste de la rentrée, mon dressing me semble être un surplus d’Emmaüs.

Quand tu évoques les bijoux indispensables, j’apprends des noms de créateurs que tu dis classiques.

Quand tu es fatiguée, mais de quoi feignasse, aucune page emploi ou « comment valoriser mon cv » comme dans cosmo, quand tu es fatiguée donc tu pars faire une détox de luxe en Italie.

Quand tu bricoles vite fait un petit dessert c’est un gâteau de semoule de Kamut sans doute soufflée par Camille Lesecq, moi j’ajoute du miel d’acacia à un yaourt.

Tu habilles tes enfants façon « New old school » « bébés rockers » ou « singing in the rain », tous blonds, un hasard. Chez moi si il y a deux chaussettes identiques, fois deux pour jumeaux, je célèbre Saint Thomson, mon sèche linge.

J’en ai lu peut être 428, mon sens de la mesure, pas une page des triplés avec ses répliques désuètes prononcées par une mère re blonde ne m’a fait esquisser l’ombre d’un sourire. Alors que parfois dans la vie, je pouffe d’un rien.

Tu décryptes les cougars à grand renfort de psychologue, juste après avoir posé la question : « comment être soi au milieu des autres », une table ronde sur ce que veulent les femmes.
Alors que je regarde Cougar Town en streaming.

Dans tes pages cultures j’ai appris que la Sibérie est l’un des centres majeurs de l’art contemporains en Russie. Sans voix.

Yves Salomon vend des manteaux de fourrures au 245 de la rue Saint Honoré. Et ma boulangère des éclairs à la pistache.

Tu me traites de mère solo, je te soupçonne d’apprécier l’expression « héros ordinaire ».

Tu as évidemment une chaise tulipe, à côté d’un canapé Mah Jong Matelot , tu sais où je les mets moi les tulipes ?

Une créatrice de mode alanguie après son ouverture de boutique à Los Angeles, où tu t’es rendue bien sur, déclare « je me maquille peu mais je fais attention à mon teint » alors que moi, mon teint si je me maquille peu, il est vert comme les palmiers de Los Angeles.

Chitose Abe, une styliste japonaise, m’apprend que je dois avoir une tenue en accord avec mon mode de vie. Depuis je cherche, je cherche.

Pause : ne m’épargnez pas, si quelqu’un avait déjà entendu parler de cette styliste, je veux le savoir. Même chose pour Pichayanun Chindhaporn et Elena Stongyliotou, stylistes également.

Je ne serai jamais dans le carnet de Stéphane Bern, alors que je jure y avoir vu la mère du Monsieur de Ma Dame (cf articles précédents).

Mauboussin a payé une actrice pédante et sans talent, pour se coller les cheveux en travers du visage, éteindre son regard photoshopé,  et lui faire dire alors que elle semble sortir de trois heures de soins esthétiques et  des mains de  Farrugia, Fred bien sur, « amour le jour se lève ».
Mon radio réveil de fille qui ne boit pas de thé le matin…..


Tes mots croisés ? Réticule, en trois lettres….. alors ….. sac !
En astronomie, réticule est le nom d'une constellation de l'hémisphère sud, c’est marqué dans wikipédia.


Et les derniers pour la route parce que m’énerver n’est pas bon etc etc, mais comment y résister….

Madonna dit se réveiller chaque matin avec un plan de bataille dans la tête et c’est épuisant alors que j’apprends que Paul Smith, l’heureux homme a dû se fâcher quatre fois dans sa vie. Je suis plus Madonna que Smith, donc.

Madame du Figaro, pardon par avance, mais…. Salope.
Désolée, ça fait du bien, sa niche est si éloignée de la mienne que jamais elle n’entendra mon juron.

Je ne peux plus la lire, Madame du Figaro, j’ai peur que l’effet de mes chimio s’annule devant l’abîme qui me sépare de sa vie parfaite, si riche et enrichie, si trop tout.
Survivre je vais le faire, mais la vie de Madame du Figaro, je ne l’aurai jamais….

En même temps, devinez qui a déposé un Charlie Hebdo à Neuilly, négligemment et se rend en salle d’attente avec les Inrock piqué à son fils…


Madame du Figaro, pfffff

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